Une affaire de principe : un film qui dénonce le lobby du tabac 

Une affaire de principe : un film qui dénonce le lobby du tabac 

Dans les salles de cinéma depuis le 8 mai, « Une affaire de principe », un film dont l’action se déroule à Bruxelles, dénonce l’influence des lobbies du tabac sur nos décideurs européens en revenant sur une affaire qui a fait scandale en 2012.

Sous forme de thriller politique, ce film revient sur le combat contre les lobbies du tabac mené en 2012 par José Bové, incarné à l’écran par l’acteur Bouli Lanners. « Une affaire de principe » retrace son investigation au sein du Parlement européen pour dénoncer les pressions des lobbies de l’industrie  contre l’adoption d’une directive pour les produits du tabac. Ces pressions ont mené en 2012 à la destitution du commissaire à la Santé John Dalli: une grande erreur et victoire pour l’industrie du tabac qui a ainsi réussi par exemple à éviter une obligation des paquets neutres, c.a.d. un emballage sans logos ou couleurs attractives, pour tous les paquets de cigarettes vendus dans l’UE.

Des investissements financiers et humains colossaux pour bloquer des mesures de santé, une réalité toujours d’actualité

Smoke Free Partnership, une ONG soutenue par la Fondation contre le Cancer, a publié son infographie annuelle sur la « Présence déclarée de l’industrie du tabac dans l’environnement décisionnel de l’UE ». Cette analyse met en lumière les ressources humaines et économiques sur lesquelles l’industrie du tabac et ses alliés peuvent compter pour faire pression sur les institutions européennes. Malgré les mesures prises pour contrer ces influences, le lobby du tabac n’a pas cessé de peser sur les élus européens : en 2022 près de 20 millions € sont dépensés en activités de lobbying au niveau Européen pour freiner les politiques de santé publique, notamment sur la révision des directives sur le tabac.

L’infographie montre que ces dépenses ont augmenté de 28 % en 2022 par rapport à 2021, et que le nombre de lobbyistes accrédités auprès du Parlement européen a augmenté de 30 %, passant de 42 à 56. Le nombre de réunions déclarées entre les représentants de l’industrie du tabac et les fonctionnaires de la Commission a lui aussi augmenté.

« Les montants déclarés dans le registre de transparence ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Le Big Tobacco est en train de gagner du terrain dans l’UE puisqu’il a réussi à retarder la révision de tous les dossiers clés de la lutte antitabac ». A déclaré Lilia Olefir, Directrice générale de Smoke Free Partnership.

Aujourd’hui, l’UE reste à la traine sur un certain nombre de questions, notamment la réglementation de la publicité, l’émergence de nouveaux produits et les comportements addictifs provoqués chez les jeunes.

En 2021, l’UE a lancé le plan « Europe’s Beating Cancer Plan » avec l’objectif ambitieux d’une génération sans tabac en Europe d’ici 2040, en s’efforçant d’atteindre un taux de tabagisme inférieur à 5 %. Cependant, la révision et l’adoption de nombreuses mesures de lutte antitabac ont tout bonnement disparu des agendas, discrètement, sans aucune justification.

Mieux lutter contre la toute-puissance du « Big Tobacco »

La Fondation contre le Cancer, ensemble avec Smoke Free Partnership(SFP)  et l’ENSP (European Network for Smoking an Tobacco Prevention) , demandent l’adoption immédiate de mesures visant à accroitre la transparence, conformément aux recommandations de la Médiatrice européenne : Obliger les commissaires et les hauts fonctionnaires à publier en ligne toutes leurs réunions et rendre obligatoire l’inscription des réunions au registre de transparence de l’UE. En vertu d’un traité mondial, la Convention Cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT – FCTC), la Commission se doit de protéger les politiques de santé publique de toute ingérence commerciale. Dans la pratique, cela signifie bloquer les lobbyistes de l’industrie du tabac qui s’impliquent dans la politique antitabac. Pourtant, même si l’une des principales raisons de l’éviction de Dalli était la rencontre avec l’industrie, le code de conduite des commissaires ne mentionne toujours pas spécifiquement le lobbying en faveur du tabac et les règles concernant les contacts avec l’industrie varient en fonction des directions générales (seule la DG santé adopte une approche beaucoup plus restrictive). Par conséquent, l’industrie du tabac est toujours en mesure de peser sur des questions telles que l’emballage, les taxes, et les recommandations en matière d’espaces sans tabac.

« Plus de 700.000 personnes meurent chaque année des suites du tabac en Europe. Les inégalités en matière de santé sont une bombe à retardement. Au lieu de ralentir sous l’influence des grandes multinationales, la Commission Européenne devrait plutôt consacrer beaucoup plus d’efforts au soutien des mesures de prévention du tabagisme. Le pouvoir disproportionné des grandes entreprises à but lucratif dans les espaces politiques, et les conflits d’intérêt qui en résultent, sapent non seulement la santé publique, mais aussi la démocratie. Cette situation est absolument inacceptable. » Bruno Colmant, Directeur Général de la Fondation contre le Cancer 

La protection des intérêts des citoyens de l’Union Européenne devrait être la priorité numéro un des institutions européennes. Néanmoins, la présence des lobbies, comme le montre le film « Une affaire de principe », peut fausser les politiques en donnant la priorité aux intérêts des cigarettiers plutôt qu’à la santé des citoyens de l’Union. 

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