Vers une thérapie efficace contre le cancer du pancréas ?
Le cancer du pancréas touche, chaque année, un peu plus de 2 000 hommes et femmes dans notre pays. Cinq ans après le diagnostic, environ 15 % d’entre eux sont encore en vie. Le nombre de nouveaux cas ne cesse d’augmenter et il n’existe actuellement aucun traitement concluant. Il est toutefois permis d’espérer qu’il y en aura bientôt un.
La professeure Ilse Rooman et son équipe ont fait une découverte révolutionnaire qui semble indiquer que des cellules bénignes présentes en très petit nombre dans un pancréas sain jouent un rôle dans l’apparition et le développement de la forme la plus courante et la plus agressive du cancer du pancréas. Entretien avec la professeure Ilse Rooman, spécialiste de la biologie cellulaire du pancréas et du cancer du pancréas.
Pourquoi le taux de survie est-il si faible en cas de cancer du pancréas ?
« Le diagnostic n’est généralement posé que lorsque la maladie est déjà à un stade avancé, car le cancer du pancréas, dans sa phase initiale, ne provoque pratiquement aucun symptôme. Au moment du diagnostic, la tumeur a souvent déjà formé des métastases. Les cellules du cancer du pancréas sont très agressives et peuvent rapidement atteindre d’autres organes, tels que le foie et les poumons. Sur les 2 000 personnes qui développent un cancer du pancréas chaque année en Belgique, 1 600 à 1 700 sont atteintes de la forme agressive. »
Un dépistage précoce est-il impossible ?
« Il n’existe pas de test sanguin permettant de détecter le cancer du pancréas. Ni de dépistage à grande échelle, par exemple chez les personnes souffrant d’une inflammation chronique du pancréas. Le cancer reste donc longtemps indétecté. »
Et il est difficile à traiter. Pourquoi ?
« La chimiothérapie est le traitement le plus courant du cancer du pancréas, mais, souvent, elle n’est pas suffisamment efficace car les cellules cancéreuses du pancréas s’adaptent rapidement aux médicaments, ce qui leur fait perdre leur efficacité. La tumeur possède également un environnement protecteur composé de tissu conjonctif dense et de cellules inflammatoires, qui agissent comme une sorte de bouclier et entravent l’accès aux thérapies. La radiothérapie n’est pas idéale parce que le pancréas est situé entre d’autres organes. La meilleure option est l’ablation chirurgicale de la tumeur, mais seuls 15 à 20 % des patients peuvent en bénéficier. Le pancréas n’est pas non plus un organe dont on retire simplement un morceau. »
En quoi vos recherches contribuent-elles à la lutte contre le cancer du pancréas ?
« Nous voulons en apprendre le plus possible sur le pancréas et le cancer du pancréas. Cela fait vingt ans que j’étudie l’un et l’autre, et même si nos connaissances progressent sans cesse, nous en savons encore beaucoup trop peu. »
Vous avez pourtant fait une découverte importante.
« Oui, assez récemment. Avec notre équipe, nous avons découvert que des cellules basales sont présentes dans un pancréas sain. Cela n’avait jamais été établi auparavant. C’est une découverte importante car, bien que leur quantité soit très faible, les cellules basales pourraient être à l’origine du développement du cancer du pancréas. »
Pouvez-vous nous expliquer de quelle manière ?
« Les cellules basales constituent une sorte de cellules souches : elles jouent un rôle important dans la réparation des tissus, notamment en cas d’inflammation. Nous savons que dans d’autres organes, les cellules cancéreuses abusent de ce mécanisme de réparation : elles commencent à se comporter comme des cellules basales dans le but d’accélérer la croissance de la tumeur. Nous voulons maintenant savoir s’il en va de même dans la forme agressive du cancer du pancréas. »
Quelle est l’importance de votre découverte pour les patients ?
« Si l’interaction entre ces cellules basales peu nombreuses et les cellules cancéreuses est à l’origine du cancer du pancréas le plus courant et le plus dangereux, nous serons en mesure de comprendre ce mécanisme et de mettre au point des traitements plus efficaces. »
L’espoir est dès lors permis pour les personnes atteintes d’un cancer du pancréas ?
« Absolument. Les choses commencent à bouger, comme cela a été le cas, à un moment donné, pour d’autres cancers. Je suis convaincue qu’il y aura des avancées majeures dans un avenir pas si lointain. »
Quelle est l’importance du soutien de la Fondation contre le Cancer pour vos recherches ?
« Le soutien de la Fondation contre le Cancer est indispensable pour notre équipe : sans lui, trois chercheurs et deux projets de recherche disparaîtraient. Ce serait tout simplement terminé car, avec le seul soutien de l’université, nous ne pouvons pas mener à bien de grands projets de recherche. La Fondation contre le Cancer étant l’unique organisation qui soutient aussi massivement la recherche fondamentale, son appui est indispensable. »
Ecoutez également cette vidéo dans laquelle la professeure Ilse Rooman nous parle de son projet de recherche fondamentale.